Depuis la mise en place du confinement en mars dernier, les accords de performance collective ou APC ont connu une forte expansion. Dans un contexte économique tendu, ce dispositif laisse une grande liberté à l’employeur pour négocier sur certains points cruciaux du contrat de travail, comme la rémunération. Malgré les avantages côté employeur, la mise en place des APC peut aussi avoir des impacts non négligeables, notamment en termes de climat social et de marque employeur.
Une forte hausse des accords de performance collective depuis juin 2020
Les accords de performance collective ou APC ont été créés par les ordonnances travail de septembre 2017 relatives au renforcement de la négociation collective. Confirmés par la loi Pénicaud de mars 2018, ils visent à répondre, selon le Code du travail, aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise dans un cadre de préservation ou de développement de l’emploi (article L.2254-2).
Le confinement, on s’en souvient, a commencé le 17 mars 2020. Fin mars, on dénombrait 142 APC en France selon le cabinet Sextant Expertise, majoritairement dans des PME. Avec le brutal ralentissement de l’activité provoqué par la crise sanitaire, ce chiffre a plus que doublé en deux mois : fin juin, on atteignait 371 APC dans des entreprises de taille et de secteurs variés, comme Ryanair, Derichebourg ou encore l’Équipe.
APC : un dispositif attractif pour les entreprises
Avant la crise sanitaire, les APC avaient déjà eu plus de succès auprès des entreprises que les AME (accords de maintien de l’emploi) et AMI (accords de mobilité interne) auxquels ils succédaient. L’explication tient avant tout au cadre juridique beaucoup moins contraignant des APC.
De fait, l’APC permet de négocier des mesures sur la mobilité géographique, la durée du travail et les rémunérations, comme l’a précisé une mise au point du ministère du Travail le 12 août dernier. Concrètement, un APC permet de baisser les salaires, d’augmenter le temps de travail sans hausse de salaire, ou encore de diminuer ou de supprimer les primes.
A noter aussi qu’un APC peut ne pas être limité dans le temps car à durée indéterminée. La négociation collective est simplifiée : elle s’effectue avec le CSE (comité social et économique) en l'absence de syndicats, et ne nécessite que l’acceptation par une majorité des deux tiers pour valider l’accord dans les entreprises jusqu’à 20 salariés.
Une recherche de la performance perçue comme « punitive » ?
S’il est logique et justifié pour l’entreprise, dans un contexte de crise économique, de rechercher tous les chemins possibles pour maintenir sa performance et préserver au mieux les emplois, la mise en place d’un APC comporte aussi un certain nombre de risques que les organisations doivent s’efforcer d’évaluer.
En termes de climat social, un projet d’APC peut créer une défiance chez les salariés. Vent debout contre le dispositif depuis sa récente expansion, les syndicats ont vivement dénoncé les possibilités offertes par les APC aux employeurs, et tout particulièrement celle de licencier un salarié refusant l’accord, perçue comme un « chantage à l’emploi ».
Sur le volet de la marque employeur, ce n’est guère mieux : à l’heure de la recommandation sur Internet et sur les réseaux sociaux, l’impact négatif sur l’image de l’entreprise peut être fort, et nuire durablement à la qualité du recrutement quand elle voudra embaucher de nouveau.
N’oublions pas, enfin, l’engagement des collaborateurs, qui peut se trouver fortement affecté si ces derniers ont du ressentiment vis-à-vis de leur entreprise, d’où une baisse de performance. Quant à l’anxiété et à la fatigue que peuvent générer une diminution de salaire ou une augmentation du temps de travail, ils sont évidemment susceptibles d’accroître les risques psychosociaux et l’absentéisme.
Les accords de performance collectives sont un dispositif dont le but louable et affiché est avant tout de servir l’intérêt collectif. Il reste que l’entreprise, avant de s’engager dans cette voie, peut aussi explorer d’autres chemins d’optimisation de ses performances. Améliorer la répartition des compétences et du travail sur les différents sites de l’organisation, et ainsi rentabiliser les ressources existantes avec une affectation des effectifs optimale, fait partie de ces nouveaux chemins ouverts par la digitalisation.