Développement accéléré du télétravail, nouveau rapport à l’entreprise, évolution des attentes générationnelles… Le marché du travail connaît actuellement des mutations inédites, susceptibles de déboussoler de nombreux managers et organisations.
Quelle place occupe aujourd’hui le travail dans nos vies ? Quelles sont les nouvelles lignes de force du marché de l’emploi ? Comment vous adapter pour continuer à tirer le plein potentiel de l’intelligence collective de vos collaborateurs ? L’édition 2022 du Club Andjaro, dédiée à l’organisation flexible de demain, a permis à l’économiste Jean-Claude Delgènes de dresser un panorama nuancé et passionnant du marché du travail contemporain.
Qui est Jean-Claude Delgènes et quel est son rapport au marché du travail ?
Titulaire d’un DEA en sciences économiques à l’Université Paris X – Nanterre, Jean-Claude Delgènes commence sa carrière dans la fonction publique dans les années 1980. D’abord nommé chargé de mission au sein du ministère de l’Industrie de 1983 à 1986, il accède ensuite aux fonctions de directeur adjoint de l’Institut de recherche économique et social (IRES) jusqu’en 1989. ll exerce alors en parallèle les fonctions de président de l’IVAR, une association de chercheurs universitaires au sein de Paris Dauphine.
Jean-Claude Delgènes est aujourd’hui un expert reconnu dans le domaine de l’organisation du travail. Dès 1989, il quitte le secteur public, où il confie « s’ennuyer ». Il fonde le cabinet Technologia, aujourd’hui riche de 170 salariés et spécialisé dans des domaines comme :
- L’évaluation et la prévention des risques en milieu professionnel ;
- La qualité de vie au travail ;
- La santé et la sécurité en entreprise ou encore la QVT.
Il a pu partager son expertise auprès de nombreuses entreprises confrontées à des situations de crise, dont France Télécom/Orange au plus fort de la vague de suicides ou encore le technocentre Renault de Guyancourt.
Cette expérience diversifiée, accumulée pendant près de 40 ans, lui apporte une vision unique sur l’évolution du marché de l’emploi et les nouveaux enjeux sociétaux liés au travail.
Club Andjaro : échanger et dresser des perspectives ensemble
Connaissez-vous le Club Andjaro ? Organisé annuellement, l'événement privé rassemble, pendant une demi-journée, nos clients et partenaires d’Andjaro autour de conférences thématiques. Dans une ambiance conviviale et informelle, de nombreux experts et personnalités se succèdent à la tribune pour évoquer les nouveaux défis RH et proposer une véritable réflexion sur notre approche collective du travail.
Quels sont les défis du marché du travail français aujourd’hui ?
En seulement quelques décennies, le marché de l’emploi a bien changé. Certaines évolutions sont même si rapides qu’elles peuvent poser d’importants problèmes d’adaptation dans les entreprises. À titre de propos introductif, Jean-Claude Delgènes a cité des phénomènes dont tous les effets ne sont pas encore bien mesurés :
- La crise sanitaire a amené une réorganisation souvent brutale des modes de collaboration, avec l’essor inédit du télétravail, bien que certaines entreprises fassent aujourd’hui machine arrière dans sa démocratisation. « 7% des Français avaient accès au télétravail avant mars 2020. Il concerne aujourd’hui le tiers de la population active ».
- Le travail est aujourd’hui le principal lieu d’insertion sociale, et conditionne l’identité des individus. Il est un véritable facteur de protection en matière de santé psychique. « Les personnes au chômage ont un risque suicidaire quatre plus fois élevé que les actifs », rappelle Jean-Claude Delgènes.
Le rapport au travail, par ailleurs, ne doit pas être idéalisé et reste difficile pour une grande partie de la population, qui le vit comme un simple moyen de subsistance. « Le salaire médian en France, c’est environ 2 005 € nets », rappelle Jean-Claude Delgènes. « Ce n’est pas évident de vivre avec ça à Paris. ».
Tout le monde, par ailleurs, ne peut pas prétendre à un emploi de bureau classique, du lundi au vendredi.
« Notre vision du monde du travail est faussée. 65% de la population active a un travail avec des horaires atypiques au moins en partie. Plus de 15% sont des travailleurs de nuit ».
Devenir employeur responsable dans le monde du travail : c’est possible !
De la modification du rapport au travail aux nouveaux modes de collaboration, les défis ne manquent pas aujourd’hui pour les employeurs, les managers de proximité et les responsables RH. Or, l’objectif fondamental reste le même : la priorité est toujours de « favoriser la création de valeur ajoutée au sein des collectifs », et de parvenir à « mobiliser une intelligence individuelle et collective » au service de la réussite de l’organisation. Cet idéal porte un nom : c’est la notion de travail sain.
Le rapport sain au travail est un objectif ambitieux, mais parfaitement atteignable dans notre société. « 70 à 75% des salariés et agents publics se disent à peu près satisfaits de leur job. Ce n’est quand même pas rien ! », note Jean-Claude Delgènes. Ce dernier identifie, à ce titre, un certain nombre de leviers à la disposition des décideurs et des managers au sein de l’entreprise :
- La définition d’objectifs raisonnables et réalistes est la première condition pour créer une bonne dynamique de groupe et un cadre attractif. « Si vous demandez aux gens de travailler sans arrêt, sans temps de récupération après un débordement d’activité, ils finissent par s’en aller ».
- Le deuxième aspect fondamental est la reconnaissance au travail. Cela inclut à la fois la question d’une rémunération juste et équitable et celle du respect du travail fourni au quotidien.
- Le soutien aux collaborateurs doit aller au-delà d’une simple déclaration d’intention et se mesurer par des actes concrets auprès des talents. Cela implique d’apporter une aide active aux personnes traversant une épreuve difficile sur le plan personnel. « 30% des salariés ont aujourd’hui un rôle d’aidant auprès d’une mère âgée, d’un enfant handicapé… Il est vital d’en tenir compte ».
- Le manager ou chef d’équipe doit aussi veiller à donner un sens au travail demandé. Cette quête de sens est directement liée au sentiment de fierté de chaque collaborateur. « Le sentiment de faire un mauvais travail, par manque de temps ou de moyens, c’est destructeur. Je peux le constater, par exemple, dans de nombreux établissements de santé. » Rappelons que le phénomène de Grande Démission rime avec désengagement.
- La qualité générale des relations de travail, enfin, est un aspect à ne jamais négliger. L’ambiance de travail fait partie aujourd’hui des principales préoccupations professionnelles des salariés. Une ambiance saine, note Jean-Claude Delgènes, est fortement dépendante du volume et de la juste répartition de la charge de travail : « quand vous êtes en flux tendu et que vous gérez mal vos effectifs, vous augmentez les cas de burn-out et de maladie » ‒ mais aussi le risque de sur-solliciter les collaborateurs restants.
Vos collaborateurs sont aujourd’hui à la fois en quête de sens, de reconnaissance, d’autonomie et de qualité de vie au travail. Une équation impossible ? Une gestion plus rationalisée et numérisée des disponibilités de vos effectifs peut grandement contribuer à la performance de vos équipes et à leur sérénité.
