Le secteur du retail fait face à une révolution dans son organisation. Et le segment du fashion retail plus que d’autres. Des défis qui impactent directement la gestion des ressources humaines, car la finalité de l’activité reste la même : apporter la bonne réponse aux envies des consommateurs. Notre éclairage en trois questions-réponses.
Kantar proposait un webinar pour partager ses perspectives autour du retail en 2021. Un moment riche d’enseignements auxquels nous souscrivons totalement : le commerce de détail est constamment sous pression pour s'adapter et suivre le rythme de la technologie, mais aussi, et surtout, les comportements des consommateurs. La crise sanitaire est venue accélérer cette tendance, et pour le fashion retail encore plus. Dans un premier temps, elle a perturbé les modèles d’organisation et de stratégie commerciale en place, pour finalement fragiliser les modèles économiques déjà bien malmenés.
Aujourd’hui, nous pouvons affirmer qu’elle a modifié durablement le rapport des consommateurs avec les achats en magasin. De gré ou de force, ces achats ont basculé sur le digital. Du coup, les collaborateurs en boutique doivent revoir leurs missions, s’adapter pour limiter les pertes d’exploitation, et faciliter le déstockage pour préparer la nouvelle saison.
Quels enjeux de transformation pour le fashion retail ?
Depuis la fin du premier confinement, les acteurs du fashion retail n’ont pas retrouvé le niveau d’activités d’avant la crise. Dans son rapport prospectif 2021, le cabinet de conseil Deloitte fait ce constat : « même lorsque les magasins non-essentiels ont rouvert, la fréquentation a sensiblement diminué par rapport à 2019 — un indicateur précoce de la persistance de certains changements dans les comportements des consommateurs ».
D’abord en raison des gestes barrières et protocoles sanitaires, il a fallu et il faut encore à ce jour notamment :
- limiter le nombre de clients présents en simultané dans une boutique
- aérer régulièrement les locaux
- mettre en quarantaine les objets touchés et testés par les clients.
Ensuite, le retour aux horaires normaux n’a duré que le temps d’un été. La mise en place d’un couvre-feu à 20h, du deuxième confinement, d’un nouveau couvre-feu à 18h, et des confinements locaux, ont réduit les temps d’ouverture de boutique, et donc les occasions de vendre. De plus, si le magasin se trouve dans un centre commercial de plus de 20 000 mètres carrés sans ouverture autonome vers l’extérieur, il a dû baisser le rideau depuis le 31 janvier 2021 au soir. Une partie du manque à gagner a été compensée par la hausse des commandes en ligne. Mais ce n’est pas suffisant pour couvrir l’investissement financier dans le stock de marchandises à vendre et le loyer des locaux.
Enfin, le consommateur a perdu l'impulsion, qui fait qu’un achat ne ressemble jamais à un autre. La liberté de flâner, prendre son temps, essayer, réessayer, se faire conseiller… Tout cela est mis entre parenthèses, pour un temps nous l’espérons. Car un client qui n’achète pas ne doit pas bloquer trop longtemps l’accès à la boutique pour un autre, qui lui fera un achat. Cette pression du temps compté transforme l’acte d’achat.
Comment organiser ses équipes pour garder le lien avec ses clients ?
Face à l'éloignement des clients, garder le contact avec lui est primordial afin de s'assurer que le lien affinitaire perdure. La réponse passe par la réorganisation des équipes en s’appuyant sur le digital. Il faut garder en tête qu’au cours du seul premier semestre 2020, en raison de la première vague de la COVID-19, la croissance de la part des ventes en ligne a dépassé en quelques semaines celle des cinq dernières années ! C'est dire le tsunami qui s’est produit.
Pour autant, les acteurs du fashion retail ne manquent pas d’idées. Ils ont proposé, testé, expérimenté de nouvelles approches complémentaires :
- le click and collect
- la livraison sécurisée
- le show room virtuel
- la communication sur les réseaux sociaux
- les ventes flash
- les abonnements et clubs de fidélité payants.
Toutes ces approches ont entraîné, ou vont entraîner selon l’avancée du projet de relance de l’activité, une réorganisation des équipes et la réattribution des rôles :
- accueil en magasin a minima avec des horaires réduits
- gestion de marchandises en quarantaine avec une double gestion de stock
- préparation des commandes à emporter et à envoyer en flux tendu
- animation sur les réseaux sociaux pour susciter l’envie et créer une communauté
- mise en place d’un service client pour gérer les appels, les mails et messages reçus sur les messageries en ligne.
Elles permettent d'optimiser l’approche omnicanal. Cette dernière n’était pas forcément le point fort du fashion retail avant la crise. En 2021, elle se pose comme l’organisation la plus efficiente tant sur le plan commercial qu’économique.
Il y a là une vraie transformation culturelle : la marque passe d’un parcours client siloté à une expérience client personnalisée, fluide et sans rupture, quel que soit son point de contact. Ce virage est nécessaire pour continuer à servir le client. Et pour cela, de nouvelles avancées technologiques sont déjà sur le perron ou dans les boutiques :
- vente par algorithme
- intelligence artificielle
- objets connectés.
Quelles nouvelles compétences développer chez les collaborateurs ?
La réussite du fashion retail repose sans conteste sur sa capacité à se réorganiser autour d’un leitmotiv : améliorer sans cesse l’expérience client. Cette transformation commerciale s’accompagne aussi d’une transformation des sources de revenus. La boutique ne va pas forcément disparaître, mais elle doit trouver un nouveau sens. Ce dernier semble tourner autour des services additionnels à la vente et des conseils personnalisés. Sans doute que le bail commercial d’une boutique trouvera sa rentabilité à cette condition : un parcours client simple et pratique, où la vente du produit est centrale, mais pas suffisante.
Outre la réorganisation des postes de travail et des horaires évoqués plus haut, le personnel en boutique va nécessairement devoir acquérir de nouvelles compétences et parfois quitter son poste en boutique. En effet, pour générer de nouveaux revenus, la stratégie de vente va moins s’appuyer sur le relationnel et l’échange verbal comme cela faisait la force des boutiques, mais plus s’orienter vers un marketing offensif. Ce dernier va piloter toutes les étapes de la vente. Son objectif : déterminer les leviers de vente, s’assurer que les produits sont en stock et que le prix proposé soit convaincant pour le client ainsi que pour le directeur financier.
Parmi les compétences à acquérir, il y a la gestion et l’analyse des data commerciales. Autrement dit, être en capacité de trier et d’organiser les informations disponibles sur le client pour lui proposer le bon produit au moment où il va en avoir besoin, ou pourrait en avoir besoin. À cela s’ajoute une attention sur les centres d’intérêt pour anticiper ou lui suggérer des achats pertinents, sans pour autant connaître son identité et savoir qui il est précisément. RGPD oblige, une partie de la relation commerciale va se nouer sur des plateformes avec des inconnus. Et c’est là tout le défi !
Sans mettre un visage et sans repérer une personnalité, le collaborateur en fashion retail va devoir être en mesure de proposer la bonne offre ou susciter un intérêt sur la bonne suggestion. Le tout en ayant une démarche écoresponsable. Ce point fait partie des autres enjeux concomitants à la transformation digitale : continuer à vendre, mais vendre utile, vendre responsable, vendre durable. Le neuf comme l’occasion font bon ménage. Ainsi, en plus de compétences techniques affinées, le salarié doit s’assurer de déployer un savoir-être en phase avec les attentes et les valeurs sociétales qui façonnent le client. Une source de satisfaction chez ce dernier qui prend de plus en plus de place.