Nous le savons, la COVID-19 a malmené les organisations. Elle a aussi fait réfléchir de nombreux collaborateurs, et en particulier les cols bleus, sur leur poste de travail. Pour espérer leur retour, les entreprises n’ont pas d’autre choix que de changer l’image de leurs métiers pénibles.
Depuis mars 2020, les collaborateurs alternent entre inactivité, travail, travail partiel, suractivité… Certains n’ont pas remis les pieds dans leur entreprise depuis plus d’un an. Pour les entreprises ayant des métiers pénibles ou à fortes contraintes, ce n’est pas une bonne nouvelle. Une partie des collaborateurs pourrait ne pas se présenter dans les prochaines semaines, au moment où l’activité commence à repartir. La législation sur la pénibilité est précise. Elle peut même constituer une opportunité pour redonner de l’attractivité et donner envie aux salariés les plus éloignés et les moins motivés à revenir.
La reconnaissance des facteurs de pénibilité
Depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, les facteurs de risques professionnels sont fixés. Il convient aux DRH de procéder, poste par poste, à leur évaluation.
Les bonnes démarches à adopter :
- recenser les contraintes physiques marquées d’un poste amené à manipuler des charges avec l’effort physique d’une ou plusieurs personnes : levage, pose, poussée, traction, port ou déplacement,
- établir la liste des postures pénibles qui forcent sur les articulations d’une personne,
- mesurer les températures extrêmes auxquelles sont soumis les collaborateurs,
- évaluer l’impact des mouvements répétitifs imposés par un poste de travail.
Les mauvaises démarches :
- faire abstraction des vibrations mécaniques subies par les mains et les bras puis transmises au corps,
- minimiser l’impact des nuisances sonores sur le poste de travail
- considérer le travail en équipe successive alternante (ou travail à la chaîne) comme une organisation « classique » et « normale » du travail,
- méconnaître les agents chimiques dangereux dont la poussière ou les fumées.
En résumé, les facteurs de pénibilité sont au nombre de six :
- travail de nuit,
- travail répétitif,
- travail en équipes successives alternantes,
- activités exercées en milieu hyperbare - pression supérieure à la pression atmosphérique,
- bruit,
- températures extrêmes.
À cela, il faut ajouter :
- manutention manuelle de charges,
- postures pénibles,
- vibrations mécaniques,
- agents chimiques dangereux.
Ces derniers peuvent aboutir à la reconnaissance d’une maladie professionnelle et permettre aux collaborateurs concernés d’envisager un départ à la retraite anticipée. Les autres sont comptabilisés via des points dans le compte professionnel de prévention (C2P) lorsque les risques reconnus et référencés dépassent un seuil fixé par le législateur. Une partie de ces points est transférée sur le compte personnel de formation pour favoriser la reconversion et la montée en compétences.
Bien organiser l’évaluation et le suivi des risques professionnels
Plateforme logistique, manutention de citerne, chantier de construction en souterrain, construction en milieu marin, industrie de la métallurgie et de l’acier, travaux de rénovation et de création de routes, préparation des matières premières et conditionnement dans l’agroalimentaire, entretiens des locaux et gestion des déchets… Les situations à risques professionnels sont multiples et parfois se cumulent pour certains métiers. Par exemple, dans la logistique, un collaborateur peut être soumis à un travail répétitif avec une charge à lever en travail de nuit. Le Code du travail a défini des seuils au-delà desquels, il y a une compensation pour les salariés. En dessous, il n’y a pas de compensation. En creux, il n’y a pas de pénibilité.
Les évaluations pour éviter les situations de pénibilité :
- programmer moins de 60 interventions par an avec une pression inférieure à 1 200 hectopascals pour les missions en milieu hyperbare comme les travaux en milieu marin ou des manipulations scientifiques,
- exposer à une pression acoustique inférieure à 135 décibels moins de 120 fois par an,
- prévoir moins de 120 nuits de travail par an, entre minuit et 5 heures du matin,
- proposer des postes avec des tâches répétitives inférieures à 30 actions par minute sur une durée inférieure à 900 heures par an.
Les évaluations pour générer des situations de pénibilité :
- planifier plus de 50 nuits par an, entre minuit et 5 heures du matin, dans le cadre du travail en équipe successive alternative,
- exposer pendant plus de 8 heures par jour et 600 heures par an à un bruit d'au moins 81 décibels,
- faire travailler vos collaborateurs dans des températures inférieures à 5 degrés et supérieures à 30 degrés pendant plus de 900 heures par an,
- établir une exécution de mouvement répétitif supérieur à 15 actions sur 30 secondes, pendant plus de 900 heures par an.
En matière de pénibilité, l’entreprise peut difficilement avancer seule et appliquer ses propres critères. Elle doit suivre son référentiel professionnel de branche homologué par le ministère du Travail. L’application est présumée de bonne foi. En période post-Covid, l’entreprise peut choisir de réduire le niveau de pénibilité établi dans ce référentiel. Cela peut devenir un avantage concurrentiel pour attirer de nouveaux collaborateurs ou fidéliser les salariés déjà en place. Elle peut aussi veiller à proposer une rotation de poste régulière, et favoriser la montée en responsabilité, quand son organisation le lui permet.