Signer un contrat avec un employeur pour lequel on a déjà travaillé est une pratique courante. Si courante, à vrai dire, qu’elle est devenue le mode de recrutement le plus répandu dans certains secteurs. La réembauche, puisque c’est de cela qu’il s’agit, s’est développée dans les années 1990, jusqu’à représenter 69% des embauches en 2012. Parue début 2016, une étude de l'Unedic s’est intéressée au phénomène.
La réembauche, un phénomène en forte expansion
Réalisée à partir du fichier national des allocataires de l’Unedic et de Pôle emploi, l’étude met en exergue la forte progression de la réembauche sur la totalité des recrutements opérés sur une année.
Si elle touche des secteurs diversifiés, la réembauche se concentre surtout dans des domaines comme l’hôtellerie, la restauration, l’aide à domicile, les enquêtes et sondages, les services relatifs aux bâtiments, qui ont traditionnellement davantage recours au CDD d’usage. Les populations les plus touchées par le phénomène sont en majorité des femmes, généralement peu diplômées.
Profitons de l’occasion pour tordre le cou à une idée reçue : malgré un marché de l’emploi tendu, la part des CDD dans l'emploi total n’augmente pour ainsi dire pas depuis la fin des années 1990 et reste en deçà de la barre des 10%. En revanche, la proportion de CDD dans les embauches a fortement augmenté, passant de 76% en 2000 à 85% en 2012 : et ce sont bien les CDD de réembauche qui expliquent ces chiffres.
Des CDD courts chez le même employeur
Les CDD sont donc les premiers contrats concernés par la réembauche, qui restent une pratique étroitement liée aux contrats courts et aux situations de sous-effectif ponctuel. Les CDD d’un mois ou moins représentent ainsi 89% des réembauches. Celles-ci sont très majoritaires dans des secteurs comme :
- l'hébergement médico-social (81% de réembauches en 2012)
- les activités liées à la santé (73%)
- l'administration publique (66%)
- l'action sociale (63 %)
Par ailleurs, on notera que la réembauche touche un nombre relativement réduit de personnes, mais qu’elle y sont soumises de façon récurrente : 3% des personnes embauchées représentent ainsi 50% de la réembauche.
Autre élément notable, la réembauche s’effectue souvent de façon régulière avec la même entreprise. Elle se concrétise en général avec le dernier employeur plutôt qu’avec un plus ancien, et ce dans un délai moyen d’une semaine pour 50% des réembauches.
« La majeure partie de la réembauche est réalisée dans un délai de 40 jours. »
Hélène Benghalem, auteur de l’étude de l’Unedic
Les impacts de la réembauche sur les salariés
De même que le type de contrat joue un rôle sur l’état d’esprit d’un salarié, la réembauche a des impacts sur ceux qui y sont fréquemment soumis. Ces impacts sont de plusieurs natures.
En termes de QVT et d’engagement
Dans un contexte économique marqué par le chômage, certains employeurs pourraient être tentés de se dire qu’un salarié cherchant à pérenniser son emploi fera preuve d’un engagement plus grand qu’un salarié en CDI. Dès lors, pourquoi se priver de cette garantie d’engagement et chercher une solution autre que la réembauche ? Tout simplement parce qu’un engagement authentique et sincère est toujours corrélé à la notion de qualité de vie au travail, ou QVT.
Or, les fondements de la QVT sont simples, ils résident dans la confiance partagée et le sentiment de sécurité du salarié. Ce sentiment de sécurité se développe grâce à un management bienveillant, à une ambiance de travail positive dans une équipe solidaire, mais avant à la pérennité de l’emploi occupé. Si la réembauche présente des atouts, elle n’est donc ni un facteur de QVT (dont pourrait bénéficier la marque employeur de l’entreprise), ni un facteur d’engagement vrai, le seul qui ait de la valeur à moyen et long terme.
En termes de marque employeur
Il est aisé de se mettre à la place d’un salarié voguant de CDD court en CDD court : s’il est régulièrement réembauché par le même employeur, il y a de fortes chances pour qu’il nourrisse l’espoir que celui-ci le recrute un jour en CDI. Si cela ne se produit pas au bout d’un certain laps de temps, le salarié peut éprouver une certaine rancœur, ou à tout le moins une défiance vis-à-vis de l’employeur. En outre, si le cas de ce salarié se généralise à d’autres, la réputation de l’employeur, et plus largement sa marque employeur, risquent d’en pâtir - et pas uniquement sur les réseaux sociaux.
En termes de ROI
Embaucher puis réembaucher peut-être chronophage, ne serait-ce que pour l’établissement d’un nouveau contrat au retour du salarié. Par ailleurs, cette pratique ne permet pas de répondre avec agilité aux problématiques de pointes de charge sur le site d’un groupe et de manque d’activité sur un autre. Dans ce contexte, une solution de détachement interne du personnel d’un site à un autre peut constituer une alternative intéressante à la réembauche. En pérennisant l’emploi du salarié, une telle solution présentera le triple avantage de générer de l’engagement, de renforcer la marque employeur et d’optimiser le ROI.
La réembauche fait partie de la panoplie d’outils mis à la disposition des employeurs fonctionnant sur des volumes importants de contrats courts. Elle leur permet de disposer d’une certaine souplesse, mais celle-ci reste relative. À l’heure où l’on s’accorde à dire que l’agilité est l’élément clé de la compétitivité des entreprises, les grands groupes ne doivent pas négliger les nouveaux outils digitaux pour optimiser la gestion de leurs effectifs. Plus généralement, l’attention de plus en plus forte accordée à la RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) devrait favoriser, à court et moyen terme, le développement de solutions contribuant à la pérennisation des emplois.