On dit souvent que certains clichés ont la vie dure. Mais les dits clichés ne s’appuient-ils pas, bien souvent, sur des réalités incontestables ? La surreprésentation des hommes dans le secteur du BTP, ou celle des femmes dans celui de l’aide à la personne, font partie de ces réalités. Pourtant, les lignes commencent à bouger au sein des équipes opérationnelles qui interviennent dans des secteurs réputés fortement « genrés ».
La mixité des équipes opérationnelles : une progression lente mais réelle
BTP : construire la mixité
Puisque nous avons d’emblée évoqué le BTP, intéressons-nous à ce secteur traditionnellement réputé pour laisser peu de place aux femmes dans ses équipes. En 2019, la FFB (Fédération française du bâtiment) a révélé que les femmes représentent désormais 12,3% des effectifs salariés du secteur (contre 11,9% en 2017, 11,7% en 2014 et 8,6% en 2000). Les chiffres évoluent donc de manière positive.
À y regarder de près, cependant, on constate que le personnel féminin est souvent déployé dans les fonctions administratives, et que sa présence sur les chantiers reste anecdotique. De fait, la proportion de femmes ouvrières n’y dépasse pas 1,5% selon la FFB. Un chiffre qui concorde avec l’étude réalisée en 2013 par le réseau d’apprentissage CCCA-BTP, qui indiquait alors que la proportion de femmes était de 1,3% dans les métiers de production, de 7% dans les métiers techniques et d’encadrement de chantiers, et de 53,8% dans les métiers administratifs.
Le développement des progrès techniques dans le BTP pourrait néanmoins changer profondément cette répartition d’ici quelques années. Les tâches sont en effet de plus en plus mécanisées et les machines de manutention de plus en plus adaptées pour être utilisables sans force physique particulière. Consciente de cette évolution, la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) a signé avec l’Etat, en juin 2015, un plan pour la mixité. Le ministère de l’Économie a souligné à cette occasion que « la force physique n’est plus un préalable dans les métiers du bâtiment, qui offrent des possibilités de créativité, de flexibilité et des perspectives de promotion importantes et rapides ».
Transports et logistique : 20% de femmes
Plus spectaculaire est la féminisation de la logistique, secteur encore perçu à tort comme exclusivement masculin. Selon l’OPTL (Observatoire prospectif des métiers et qualifications dans les transports et la logistique), les femmes représentaient déjà 20% des 650 000 emplois du transport et de la logistique en 2013. La mondialisation des échanges et l’explosion du e-commerce ont largement contribué à la féminisation du secteur, où se sont développés nombre de métiers accessibles aux femmes : préparatrice de commandes, magasinière cariste, chef de quai, responsable d’exploitation ou d’affrètement, conductrice de poids lourds, ambulancière...
On note cependant que les femmes sont souvent embauchées à des fonctions en amont des métiers purement opérationnels : organisation des transports, géolocalisation, coordination et prévention, ressources humaines...
Ces secteurs créateurs d’emploi qui favorisent la mixité
Transporteurs cherchent conductrices
Le secteur des transports est particulièrement créateur d’emplois. D’une part, il connaît de nombreux départs à la retraite ; de l’autre, il est impacté par de nouveaux enjeux de développement durable. Les fonctions « conduite » et « logistique/manutention/magasinage » sont les plus concernées : d’après l’OPTL, il faudrait remplacer 130 000 salariés dans la branche transport, dont 95 000 conducteurs d’ici à 2020, et 93 000 salariés dans la branche marchandises. Les opportunités sont donc nombreuses pour les candidates attirées par le secteur. Directrice de l’OPCA Transports, Raphaëlle Franklin relève d’ailleurs que « les femmes conductrices sont très appréciées pour leur conduite économique et sécurisée ».
Aide à la personne : bienvenue aux hommes !
Saviez-vous que, selon l’Observatoire des inégalités, 97% des aides à domicile sont des femmes ? Le secteur de l’aide à la personne, dont l’activité est notamment portée par l’allongement de la durée de vie, représente un vaste bassin d’emploi pour l’avenir. Aujourd'hui, ce sont 500 000 salariés qui accompagnent au quotidien les personnes âgées en perte d’autonomie et les personnes en situation de handicap. D’ici à 2030, 300 000 emplois nouveaux seront à pourvoir auprès des personnes âgées en perte d’autonomie.
Paradoxalement, le secteur peine à recruter,, malgré des campagnes de recrutement mises au point par les fédérations d’employeurs en 2017 et par le ministère des Affaires sociales et de la Santé en 2020. Selon Julien Mayet, Président de l’USB Domicile qui regroupe ces fédérations : « la difficulté de recruter est double ; aux postes vacants s’ajoute la recherche de remplaçants à nos salariés pour qu’ils partent en vacances », explique le professionnel. « Nous recherchons bien sûr des gens avec une formation initiale capable d’intervenir chez des personnes en difficulté », ajoute-t-il, « mais ces candidats sont peu nombreux ». Quant au sujet de la mixité dans le secteur, Julien Mayet est catégorique : « nous avons besoin de mixité. Il n’y a pas de raison qu’il y ait une surreprésentation des femmes dans nos métiers ».
La participation des femmes au marché du travail n’a jamais cessé d’augmenter depuis les années 1960. Aujourd’hui, environ un actif sur deux est une active ! Certes, les femmes restent surreprésentées dans les professions incarnant des vertus dites « féminines » - administration, santé, social, services à la personne - et peu nombreuses dans certains métiers reflétant des vertus supposément « viriles » (force et technicité), mais la donne change progressivement. En ce qui concerne les métiers opérationnels, certains signes ne trompent pas : en restauration, par exemple, on compte de plus en plus de « chefs » féminins dans les cuisines, y compris dans les maisons étoilées !